Les visages oubliés du mensonge nucléaire

Nous avons le plaisir de partager la vidéo de l’intervention de Linda Pentz Gunter de BEYOND NUCLEAR (Au-delà du nucléaire) sous-titrée en français par nos soins.

Il s’agit de son intervention lors du webinaire NUCLEAR ENERGY CONFERENCE 2021.

La visioconférence, qui a eu lieu le 29 avril 2021, est intitulée « How to Dismantle an Atomic Lie – taking apart the nuclear faulsehoods » (« Comment déconstruire le mensonge atomique – décortiquer l’imposture nucléaire »).

Linda Pentz Gunter parle de la face humaine de l’histoire du nucléaire, des visages occultés et poussés dans les oubliettes par la puissante industrie nucléaire et les autorités qui la soutiennent.

Son intervention est intitulée : « The Forgotten Faces of the Atomic Lie : To begin at the beginning » (« Les visages oubliés du mensonge nucléaire : pour commencer au commencement »).

Elle relate la violation des droits de l’homme et les souffrances qui caractérisent l’ère de l’atome depuis ses débuts jusqu’à nos jours.

Beaucoup de victimes de l’atome ont versé des larmes en écoutant son intervention puissante et émouvante, qui, espérons-le, saura toucher également celles et ceux qui ont été épargnés par l’atome – et lui trouvent souvent surtout des avantages.

Partageons donc ces visages et ces témoignages de victimes de l’ère  atomique, – qui n’ont pas toujours un visage humain -, auxquels Linda Pentz Gunter prête sa voix, avec respect et empathie.

Voici les voix des Cassandre.

Écoutons et partageons.

La vidéo est suivie du texte de transcription en français.

Informations pratiques:

Pour obtenir les sous-titres en français, si vous utilisez un ordinateur,  cliquer sur le carré blanc avec des lignes discontinues à l’intérieur, et activer les sous-titres. Ensuite, cliquer sur l’icône de la roue dentée pour choisir la langue.

Puisqu’elle parle assez vite pour entrer dans le temps imparti, il peut être plus confortable de ralentir la vitesse à 0.75, option disponible sous l’icône de la roue dentée.

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Vidéo avec les sous-titres en japonais

Pour ceux et celles qui parlent le japonais, voici une version avec les sous-titres  en japonais.

Texte de transcription

Je suis Linda Pentz Gunter de l’ONG américaine Beyond Nuclear.
Nous avons aussi un site Web d’actualités Beyond Nuclear International où se trouvent bon nombre des histoires que je vais vous présenter aujourd’hui.

Notre thème aujourd’hui est le mensonge du nucléaire.

Peu de temps après l’accident de Three Mile Island en 1979 le célèbre dessinateur Jules Feiffer a réalisé le dessin du badge rouge que vous voyez à gauche de la diapositive.

Vous voyez donc que ce n’est en aucun cas un nouveau thème !

L’œuvre de fiction que je préfère entre toutes est la pièce pour voix, Under Milk Wood de l’écrivain gallois Dylan Thomas.

Elle s’ouvre comme ceci :
Pour commencer par le commencement.

Si vous voulez mettre des visages humains dans l’histoire de l’énergie nucléaire vous devez commencer par le début. C’est pourquoi les pronucléaires ne commencent jamais par le début. Parce que s’ils le font, ils rencontrent les visages des peuples qui sont les premiers témoins de la nature fondamentalement anti-humanitaire de l’ère nucléaire.

Quand on commence par le début qu’est-ce qu’on trouve ?
On trouve de l’uranium.
Nous trouvons des gens.
Et nous trouvons la souffrance.

Quand nous commençons par le commencement, nous sommes sur les terres des indigènes d’Amérique ou des Premières Nations au Canada.
Les terres aborigènes en Australie.
Le Congo, aujourd’hui le site d’un nouvel holocauste avec 5 millions de morts, les combats portant principalement sur les droits miniers.
Nous marchons sur les sables du Sahel avec les Touaregs nomades.
Nous sommes parmi les familles démunies en Inde.
En Namibie. Au Kazakhstan.

Nous voyons des visages noirs et des visages bruns.
Presque jamais de visages blancs – bien que l’extraction d’uranium ait également eu lieu en France et en Allemagne de l’Est.
Donc: nous trouvons des gens qui avaient déjà peu et qui ont maintenant perdu beaucoup plus.

Nous trouvons des gens dont les anciennes croyances étaient centrées sur l’intendance de la terre, dont les contes et légendes parlent de dragons et de serpents et de poussière jaune sous terre qu’il ne faut jamais déranger.

Nous trouvons Dadbe, un cousin du serpent arc-en-ciel, un ancêtre mythique du peuple aborigène d’Australie qui croyait que si Dadbe était dérangé une grande catastrophe se produirait.
Et pourtant, ce sont eux qui ont été contraints de déranger Dadbe en Australie, en Afrique, dans les pays indiens.
En exhumant l’uranium dont la force létale allait devenir le combustible de l’énergie nucléaire et des armes, ils ont été contraints de détruire ce qu’ils considéraient comme sacré.
Et leurs vies allaient être détruites par cela aussi.

Nous assistons à un génocide.
Parce qu’un génocide n’est pas seulement un massacre.
Un génocide est aussi l’effacement d’un peuple culturellement.
C’est la destruction d’un mode de vie, souvent aussi d’une langue, d’un système de croyances.

Dès le moment où nous avons extrait l’uranium du sol, l’énergie nucléaire est devenue une violation des droits de l’homme. Et elle ne cesse de l’être, tout au long de la chaîne du combustible nucléaire, de l’extraction de l’uranium à sa transformation, de la production électrique à la gestion des déchets.

Au commencement, aux États-Unis, nous sommes sur la terre des Navajos.
Ou Hopi, Zuni, Laguna, Acoma, Lakota. Et d’autres encore.

Des zones d’indifférence et d’abandon, balayées par le vent, arides.
Une destination atteinte au terme d’une marche forcée vers l’exil, la Piste des Larmes.

Les réserves indiennes des États-Unis.
Les terres les plus démunies, les plus délaissées, les plus pauvres, les plus hors-la-loi du pays.
Exilés et condamnés, à ne pas avoir l’eau courante, encore aujourd’hui, à vivre sans d’électricité, à la spirale de l’alcoolisme, aux taux de chômage et de suicide les plus élevés, aux violences domestiques.

Les jeunes filles autochtones y disparaissent à un rythme alarmant, souvent aux mains de prédateurs blancs qui violent les frontières indiennes.

Le Covid 19 y tue à un taux plus élevé que partout ailleurs dans le pays.

C’est un tiers-monde qui, comme le début de l’histoire nucléaire, est rarement évoqué.
C’est une Amérique dont l’Amérique préfère ignorer l’existence.

C’est ici que les indigènes, à partir de la fin des années 1940, ont commencé à extraire de l’uranium.

Sans équipement de protection. Sans avertissement ni connaissance des dangers.
On leur a dit que c’était leur devoir patriotique. Alors ils ont respiré le gaz radon et ont porté leurs vêtements couverts de poussière radioactive à la maison pour que leurs femmes les lavent.
Et ils sont morts. Par centaines. Et leurs familles aussi.

Non reconnues comme des victimes de la course aux armements ou de l’industrie de l’énergie nucléaire, ils ont dû se battre pour obtenir des compensations et la décontamination depuis lors.
Des lois ont été adoptées mais elles sont lentes et compliquées et le chemin à parcourir est encore très très long.

Au Niger, à Arlit, une ville désertique et poussiéreuse du Sahel, les gens vivent dans des cabanes sans eau ni électricité, dont les murs sont parfois construits, comme ici, avec des déchets radioactifs provenant du site de la mine d’uranium. Les enfants sont assis sur des tabourets radioactifs. Les métaux radioactifs mis au rebut sont transformés en fourchettes et cuillères.

Au loin, on aperçoit une montagne. Elle n’est pas réelle. Mais ce n’est pas un mirage non plus.
C’est un amas de résidus, ravagé par les vents du Sahara, qui disperse la radioactivité au loin.

Et Areva, maintenant Orano, qui y exploite des mines, gagne des millions.
Leurs cadres éclairent leurs appartements parisiens luxueux avec vue sur la Seine grâce à l’électricité nucléaire produite par la sueur et le labeur des gens d’Arlit.
À Arlit, les enfants ramassent des pierres radioactives dans les rues sablonneuses et leurs pères meurent à l’hôpital local, où les médecins engagés par Areva leur disent que leurs maladies mortelles n’ont rien à voir avec l’exposition à la mine.

Quand Guria Das est morte à Jaduguda, en Inde, elle avait le corps d’une enfant de trois ans.
Elle avait 13 ans. Elle ne pouvait pas parler. Elle ne pouvait pas bouger.
A proximité, la firme Uranium Corporation of India – dont l’acronyme UKILL (Tu tues) est approprié – continue à exploiter ses six mines d’uranium.
Ses bassins déversent du poison dans les environs, ravagés par les maladies et difformités congénitales. Mais on leur dit, bien sûr, que leurs problèmes n’ont rien à voir avec les mines d’uranium.

C’est une histoire qui se répète, encore et encore, partout où l’on trouve des mines d’uranium.

Les entreprises en profitent et ensuite elles nient.

C’est le commencement.

Mais ce n’est pas la seule partie du mensonge que l’industrie atomique préfère garder cachée.

Continuons. Et revenons aux États-Unis.

Nous nous rendons à Erwin, Tennessee, là se trouve une installation qui transforme l’uranium de qualité militaire en combustible pour les centrales nucléaires.

Il y a beaucoup d’histoires ici, trop pour être une simple coïncidence. Des histoires déchirantes ont été recueillies et publiées.

Voici ce qu’une personne a écrit :

Je sais que nous avons mangé des produits irradiés provenant du jardin de maman.
Notre petit chien adoré est mort du cancer.
Mon père est mort à 56 ans d’un cancer du côlon.
Notre voisine est morte d’un cancer du côlon.
Je pense qu’elle n’avait pas 60 ans.
Un ami et voisin a eu un cancer du côlon invasif au début de sa trentaine.
On m’a retiré un énorme lymphome du cœur à l’âge de 30 ans.
Mon frère a eu une insuffisance rénale au début de sa trentaine.
Ma sœur et moi avons des nodules thyroïdiens et des taux de protéines bizarres dans le sang qui peuvent conduire à une myélose multiple.

Et ensuite ce combustible est chargé dans une centrale nucléaire.

Et l’histoire continue.

Nous sommes dans l’Illinois au début des années 2000, où beaucoup trop d’enfants, vivant entre deux centrales nucléaires, souffrent du cancer du cerveau. Le cancer du cerveau chez les enfants est extrêmement rare. Ici, les cas sont nombreux et en augmentation. Les enfants sont emmenés à Chicago pour être soignés. Et ils meurent là-bas. Ainsi, leurs décès ne sont pas enregistrés dans les statistiques de leur communauté locale. De cette façon, leur mort n’a rien à voir avec les centrales nucléaires. 

À Shell Bluff, en Géorgie, une communauté afro-américain pauvre s’est battue pour empêcher la construction des réacteurs nucléaires Vogtle 1 et 2.
Elle a perdu.
Puis ils se sont à nouveau battus – contre deux nouveaux réacteurs – Vogtle 3 et 4 – et ont encore perdu.

« Nous avons remarqué que beaucoup de gens commençaient à souffrir du cancer », se souvient Annie Stephens, résidente de Shell Bluff depuis longtemps.
« Mon père, ma mère, ma sœur, deux frères sont morts du cancer, et un autre frère vivant a maintenant un cancer.
Ma tante, un cousin, et d’autres personnes en aval de la rivière sont morts du cancer. »

C’est une maigre consolation que Vogtle 3 et 4 aient été un fiasco financier, toujours inachevé, avec des années de retard et des milliards de dollars de dépassement de budget.

À Port Gibson, dans le Mississippi, une ville située dans le comté le plus pauvre de l’État le plus pauvre, 70 % des recettes fiscales de la centrale nucléaire de Grand Gulf vont à 47 autres comtés plus riches et plus blancs de l’État.

Dans le comté de Claiborne, composé à 87 % de Noirs, avec un taux de pauvreté de 46 %, il y a un hôpital qui manque de ressources et qui peut à peine faire face à sa charge quotidienne, surtout maintenant, sans parler d’une urgence nucléaire.
Et lors de notre visite, voici à quoi ressemblait l’itinéraire d’évacuation de cette communauté noire pauvre : inondé et impraticable.

Les visages de ceux dont la vie est détruite par les centrales nucléaires ne sont pas toujours des visages humains.
Même en l’absence d’accident nucléaire, l’exploitation courante des réacteurs fait payer un tribut quotidien aux animaux.
En 2001, nous nous sommes penchés sur cette question.

Quel visage avons-nous trouvé en tête de la liste des espèces menacées, blessées et tuées par les centrales nucléaires côtières en activité ?

La voici. L’ancienne tortue de mer, qui vivait aux côtés des dinosaures et se portait bien, jusqu’à l’invention de la pêche au chalut, les plastiques et les centrales nucléaires côtières, où les tortues de mer sont aspirées par le système de pompage des eaux de refroidissement, projetées et battues, pour arriver dans des canaux de refroidissement où, si elles ont survécu jusque là, elles sont prises dans des filets où elles meurent suffoquées.

Et la réponse officielle reflète la perte d’humanité que l’on retrouve dans toutes les décisions officielles prises autour de l’énergie nucléaire.

Si les centrales nucléaires sont autorisées à tuer 2 tortues de mer par an mais qu’elles en tuent 3, 4 ou 5, nous ne les punirons pas. Nous ne les forcerons pas à installer des dispositifs de prévention coûteux. Nous ferons simplement une nouvelle limite légale permettant de tuer 3, 4 ou 5 tortues de mer par an.

À quoi cela vous fait-il penser ?

À la catastrophe nucléaire de Fukushima.

Avant ce jour fatidique du 11 mars 2011, la limite légale d’exposition aux radiations pour le public japonais était de 1 millisievert par an. Encore trop élevée.

Mais après le désastre, lorsque la décontamination s’est avérée être une tâche impossible, le gouvernement japonais a simplement augmenté la limite d’exposition. De 20 fois.

Elle est donc maintenant de 20 millisieverts par an, ce qui est dangereux pour tout le monde, mais surtout pour les nouveau-nés ou les fœtus, et pour les enfants et les femmes.

Une violation indéniable des droits de l’homme.

Et l’histoire de Fukushima concerne aussi les animaux.
Lorsque les évacuations ont commencé, des animaux ont été laissés derrière.
Des vaches laitières, attachées dans leurs étables, sont mortes lentement de faim.

C’est difficile de montrer une image comme celle-ci. Mais il est encore plus difficile de dire que c’est ce que nous sommes prêts à accepter, dans le cadre de l’accord pour utiliser l’énergie nucléaire.

Certains agriculteurs ne l’ont pas accepté et ont continué à s’occuper de leurs vaches, alors qu’ils ne pourront jamais vendre la viande ou le lait. Abandonner leurs vaches serait une trahison, une perte de notre humanité fondamentale.

Et bien sûr, ils savaient aussi que l’abattage des vaches signifiait qu’elles disparaissaient des regards – exactement ce que le gouvernement japonais veut voir arriver à la catastrophe nucléaire de Fukushima elle-même.

Avant Fukushima, il y eut Tchernobyl, et avant cela Church Rock, et avant cela Three Mile Island.
Et avant ça Mayak.
Et après ça, où ?

Qu’était Church Rock ?

C’est la catastrophe nucléaire majeure la moins connue et elle nous ramène à notre point de départ, à la communauté Navajo.

Elle s’est produite le 16 juillet 1979, un peu plus de 3 mois après l’accident nucléaire de Three Mile Island, et, ironiquement, à la même date et dans le même Etat que le tout premier essai atomique, la détonation de 1945, Trinity.

À Church Rock, 342 millions de litres de déchets radioactifs liquides et 1100 tonnes de déchets solides ont traversé une digue qui a cédé dans l’usine d’enrichissement de l’uranium, créant une inondation d’effluents mortels qui ont contaminé pour toujours la rivière Puerco, une source d’eau essentielle pour le peuple Navajo.

Ce fut le rejet de déchets radioactifs le plus massif dans l’histoire des États-Unis.
Mais c’est arrivé loin, au Nouveau-Mexique, à des gens qui ne comptaient pas.
Juste un chapitre de plus dans le génocide silencieux.

Et Tchernobyl. Que nous commémorons ce week-end.

Par où commencer ?

Le mensonge du nucléaire atteignit alors son apogée, après Tchernobyl, nous vendant l’idée que seule une poignée de liquidateurs en étaient morts. Personne d’autre.
Mais en réalité beaucoup d’autres sont morts. Et beaucoup ont été malades, souffrant toute leur vie.
Certains ont été assez courageux pour raconter leur histoire à Svetlana Alexievich, une journaliste d’investigation biélorusse. Elle a mis leurs récits, leurs témoignages, dans son livre, La Supplication.
500 en tout.
Leur douleur. Leurs peurs. Leur perte.

Ce sont les visages qui NE SONT PAS vus par les experts pro-atomiques, lorsqu’ils sont assis dans leur tour d’ivoire, leurs bureaux d’angle vitrés avec vue panoramique ; lorsqu’ils boivent leurs vins fins, pendant leurs réunions d’experts.
Ce sont les visages qu’ils n’osent pas regarder, qui exposent leur grand mensonge, qui disent… ceci :

« Pouvez-vous imaginer sept petites filles totalement chauves en même temps?
Elles étaient sept dans la chambre…
Non, c’est assez !
Je ne peux pas continuer !
Lorsque je raconte cela, j’ai l’impression de commettre une trahison. C’est mon cœur qui me le dit. Parce que je dois la décrire comme une étrangère. Ses souffrances…
Nous l’avons allongée sur la porte…
Sur la porte qui avait supporté mon père, jadis.
Elle est restée là jusqu’à l’arrivée du petit cercueil…
Il était petit.
Il était à peine plus grand que la boîte d’une poupée.
Comme une boîte. »

Tchernobyl.

Encore une fois, pas seulement les gens, mais aussi les animaux.
Les hirondelles rustiques sont stériles.
Les campagnols des bois ne se reproduisent pas comme ils le devraient.
Et les chiens laissés sur place, comme à Fukushima, vivent, plusieurs générations plus tard, moins longtemps.

Mais il ne s’agit pas seulement d’animaux locaux.

Les troupeaux de rennes appartenant au peuple Sami en Finlande sont toujours radioactifs.
Tout comme les sangliers en Allemagne.

Tchernobyl. Il reste le pire accident de centrale nucléaire au monde.

Mais ce record pourrait encore être battu.

Ici, aux États-Unis, on parle de prolonger les licences des centrales nucléaires non seulement pour 60 ans, ou 80 ans, mais jusqu’à 100 ans.
100 ans pour une technologie qui est à la fois dangereuse et obsolète.
Et qui continuera à produire des déchets radioactifs, mortels pendant des millénaires, pour lesquels nous n’avons aucun plan sûr à long terme.

Dans des pays comme la France et le Royaume-Uni, certains de ces déchets sont retraités, par un bain chimique qui sépare le plutonium et l’uranium, ce qui réduit la quantité de déchets hautement radioactifs restants mais augmente considérablement le volume des autres déchets radioactifs gazeux et liquides.

Où vont ces déchets ?
Dans l’air, dans la mer et dans les organismes vivants qui respirent.
Y compris les enfants.

Autour du site de retraitement de La Hague, dans le nord de la France, et du site de retraitement de Sellafield, sur la côte nord-ouest de l’Angleterre, des clusters de leucémies ont été découverts, en particulier chez les enfants.
Les enfants jouaient dans des bassins de marée radioactifs sur les plages anglaises.
Le carbone 14 flottait comme un brouillard mortel invisible au-dessus des fermes laitières de Normandie.

Mais quelles que soient les preuves, l’industrie nucléaire, et le gouvernement qui la soutient, ont nié, menti et minimisé.
« Les médecins ne savent pas de quoi ils parlent », « la science n’est pas fiable », « on ne peut pas le prouver », « ça ne peut pas être nous ».
« Vous exagérez », « hystérique », « radiophobe ».

Les montagnes de déchets radioactifs produits au bout de cette chaîne de mensonges doivent aller quelque part. Ou rester là où elles sont. Dans tous les cas, le résultat est mauvais.
Doit-on les stocker, les enterrer, les enfermer définitivement ou les garder récupérables ?
Qui s’en occupe ? Et pour combien de temps ?

Et nous revenons donc aux terres des peuples indigènes et des communautés de couleur.

Yucca Mountain – pendant un temps la destination choisie pour les déchets de haute activité de l’Amérique – ses ondulations s’étendent sur la terre des Shoshones de l’Ouest dans le Nevada.

Nous sommes de retour dans le Temps du rêve avec des histoires de serpents.
Les Shoshones appellent Yucca Mountain « le serpent qui nage vers l’ouest ».
C’est un lieu sacré.
Il leur appartient aussi par traité, un traité que les États-Unis ont choisi d’ignorer. De rompre.

Il n’y a rien là-bas, affirme le gouvernement américain.
Mais les yeux des Shoshones de l’Ouest regardent de plus près.
Ils voient. Et ce qu’ils voient, ce sont :
Des peupliers faux-trembles, une espèce d’arbre qui date de 80 000 ans.
Le sarrasin de Thyms, une plante qui n’existe que sur 2 hectares à cet endroit, et nulle part ailleurs.
Il y a la tortue du désert et le Cyprinodon diabolis, un poisson qui, au cours de son évolution, est passé de l’eau salée à l’eau douce.

Et bien sûr, il y a les peuples. Des autochtones.
Ils s’efforcent de préserver ce coin précieux de leur histoire et la terre dont ils s’occupent.

Et donc nous continuons à chercher.

Dans le Cumbria en Angleterre.

Dans le désert de Gobi.

En Finlande, un dépôt géologique profond est en cours de construction, mais personne ne sait s’il fonctionnera, ni comment le marquer pour que les générations futures curieuses ne l’excavent pas.

À Bure, en France, des protecteurs de la nature se faisant appeler hiboux ont construit des cabanes dans les arbres de la forêt qui serait broyée pour placer des déchets nucléaires.

Et au Nouveau-Mexique et au Texas, des communautés latinos font face au plan d’accueillir « temporairement » les déchets des réacteurs du pays, dans des sites dits de « stockage provisoire consolidé ».

Mais étant donné que nous n’avons pas trouvé d’autre endroit pour les déchets, ce ne sera probablement pas temporaire.

Et une fois de plus, c’est une communauté minoritaire qui doit assumer ce fardeau.

Comme destination, nous sommes en quête d’un endroit que l’on peut appeler « Ailleurs ».

« Ailleurs. » « Pas ici. » « Parti. »

Ils ne seront jamais partis.

Mais parfois il y a des victoires.
Il arrive que nous vainquions le mensonge du nucléaire !

En 2012, la tribu indienne Skull Valley Goshute dans l’Utah, bien qu’on lui ait offert un énorme pot-de-vin pour qu’elle accepte les déchets nucléaires, ce qui divisait la tribu, a pu les rejeter.

À Gorleben, en Allemagne, un campement massif, des blocages et des protestations ont permis d’éviter la construction d’un dépôt de déchets nucléaires.

Toujours en Allemagne, à Wackersdorf, sous la conduite d’un improbable bureaucrate bavarois devenu radical, une usine de retraitement n’a jamais été construite.

Dans le nord du Québec, au Canada, les jeunes Cris ont appris la vérité sur l’extraction de l’uranium et ont bloqué un projet de mine.

Et, pour l’instant, Yucca Mountain reste un trou inutile et coûteux dans le sol.

L’Italie a voté deux fois contre l’énergie nucléaire lors de référendums nationaux, la rejetant à 84 % en 1987, un an après la catastrophe de Tchernobyl, et à nouveau en juin 2011, à 94 %, quelques mois après la catastrophe de Fukushima. On pourrait dire que le lobby nucléaire y a un mauvais sens du timing !

En Italie encore, en novembre 2003, 100 000 personnes se sont mobilisées pour arrêter un projet de dépôt de déchets hautement radioactifs à Scanzano Jonico, une petite ville de la province méridionale de la Basilicate. Elles ont occupé le site et les gares ferroviaires et bloqué les principales routes. Autrefois c’était un marécage où sévissait la malaria, et les habitants avaient travaillé dur pour en faire un berceau du vin biologique et de l’écotourisme. Il n’a fallu que deux semaines de protestations pour que le gouvernement italien annule le projet.

Et puis, bien sûr, il y a l’Autriche.
Une petite île enclavée sans nucléaire au milieu de l’Europe. Un modèle de bon sens. Et on y fait de très bons gâteaux ! 
Pas de centrales nucléaires. Pas de stockage de déchets nucléaires.
Pas de transport de matières nucléaires à travers le pays.

Mais comme nous le savons, ces succès peuvent être fragiles, inconstants, passagers.

Le grand mensonge du nucléaire est toujours vivant, il se faufile toujours dans les couloirs de nos gouvernements, il empoisonne toujours l’esprit des auditeurs crédules qui occupent des postes de pouvoir.

Nous ne pouvons donc pas nous arrêter. Nous ne pouvons pas nous reposer.
Ce combat n’est pas terminé.
Il ne le sera peut-être jamais.

Nous sommes celles et ceux qui sont là maintenant, les voix de la raison, qui murmurent sur une brise qui continuera à souffler, jusqu’à ce que notre souffle cesse et que d’autres reprennent l’appel du clairon.

Nous pouvons nous sentir comme des Cassandre, criant pour être entendus, sans jamais être crus.
Mais tout ce que nous pouvons faire, c’est continuer à raconter ces histoires.
S’assurer qu’elles sont entendues.
Et nous devons les raconter jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de mensonges du nucléaire.

Alors seulement, nous pourrons enfin vivre dans un monde sans nucléaire.

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